Photos : Jean-Louis Carli/Jean-Marie Liot / Alea
Melodie Schaffer et Ryan Barkey ont pris le 41e rang à la Transat Jacques Vabre après 26 jours et 8500 km de course entre Le Havre, en France, et la Martinique.
Conversation « Sur le pont » avec les navigateurs de Toronto.
Après 26 journées de compétition, comment vous sentez-vous?
Melodie : je suis tellement contente que nous ayons participé à la Transat Jacques Vabre. Je crois que nous sommes la première équipe canadienne à terminer la course. Nous savions que la course allait être difficile alors que nous affrontions d’autres navigateurs parmi les meilleurs au monde en CLASS40. La plupart, sinon tous les autres bateaux et équipes, avaient plus d’expérience que nous. Nous avons choisi de participer à cet événement afin de nous pousser à être à notre meilleur.
Êtes-vous satisfait de votre 41e position?
Ryan : en tant qu’équipe, nous avons travaillé très dur afin de nous classer le plus haut possible au classement. Même si c’était un nouveau bateau et un nouveau partenariat, nous avons beaucoup travaillé pour nous préparer ainsi que notre bateau avant le début de la course dans un délai de temps compressé. Et contre les meilleurs au monde, nous ne pouvons pas être trop fâché de notre position. Même si nous détestons tous les deux perdre, nous avons appris beaucoup au sujet du bateau, le travail que nous devons faire et ce que nous devons travailler en tant qu’équipe afin de mieux performer en vue de notre prochaine course, le Globe 40 en 2022. À ce chapitre, c’était une course très productive et couronnée de succès. Nous aurions aimé terminer au milieu de la flotte, mais nous avons fait quelques erreurs au début jumelées avec ce qui semblait être des trous de vent sans fins et quelques problèmes avec le bateau… Nous avons tout essayé, mais nous ne pouvions nous relever. Et des fois, une défaite difficile est exactement ce dont tu as besoin pour avoir encore plus faim et faire mieux la prochaine fois.
Melodie : j’aurais aimé que nous ayions un meilleur résultat, mais ultimement, notre but n’était pas le résultat global de la course. Nous savions ce que nous voulions faire en vue de cette compétition, mais je suis tellement une compétitrice intense que c’est difficile à accepter que nous n’ayons pas terminé plus haut. Nous avons d’autres plans dans le futur en CLASS40 et en course en double, et de participer à cet événement a accéléré notre apprentissage.
Vous êtes des compétiteurs expérimentés en courses hauturières alors que vous avez participé à plusieurs compétitions de ce type auparavant. Comment pouvez-vous comparer la Transat Jacques Vabre à vos courses antérieures?
Melodie : la voile hauturière est différente des courses de régate à certains niveaux. C’est sûr que nous compétitionnons tous l’un contre l’autre mais, en voile hauturière, vous êtes seuls et vous devez gérer la météo, les pépins techniques, les problèmes médicaux et, ultimement, toute situation par vous-même la plupart du temps. Si les choses ne vont vraiment pas bien, ce seront vos compétiteurs qui seront là pour vous aider. Donc, vous compétitionnez contre les autres, mais vous êtes également là l’un pour l’autre.
Quel a été votre plus gros défi et pourquoi?
Ryan : notre plus gros défi pendant la course je crois a été de gérer notre repos et notre consommation d’énergie. Nous avons eu certains problèmes avec l’autopilote et aussi de s’ajuster aux conditions, malgré avoir travaillé à travers des variations de calibrations, ce qui signifie beaucoup de conduite manuelle avec les voiles ouvertes. Pendant des jours, de pousser afin d’accumuler des milles a engendré une équipe privée de sommeil.
Melodie : le plus gros défi était relié aux préoccupations reliées à la génératrice. Cela a commencé une couple de journée au début de la course et a signifié que nous avons fait beaucoup plus de barre. Pendant probablement la moitié de la course, Ryan et moi avons conduit manuellement le bateau. De dix à 12 heures par jour à la barre est fatigant, spécialement avec la voile Spinnaker ouverte, c’est intense. Ça nous rendra de meilleurs navigateurs pour ce bateau, mais ça rendu la course beaucoup plus difficile.
Nous avons aussi eu de petites choses qui n’ont pas bien été, ce qui était prévu. Nous avons frappé une palette et heureusement, il n’y a pas eu de dommage à la coque ou au gouvernail. L’extension à la barre du gouvernail a brisé et celui de secours était défectueux et nous avons dû réparer le gréement et reconstruire celui que nous avions. Nous avons brisé la voile Spinnaker, ce qui était vraiment malheureux et à un moment horrible, mais nous avons tellement poussé le bateau car c’était l’unique façon de gagner du terrain que l’on se doutait que nous allions perdre Nous ne planifions en perdre. Également, Ryan et moi avons eu un rhume au début de la course et, avec si peu de repos, c’est difficile de combattre un virus. De plus, l’alternateur ne chargeait pas la batterie de la bonne façon alors nous avons dû le réparer. Et nous avons frappé un requin.
D’avoir une course plus longue était également difficile. Mentalement et émotivement, tu te prépares pour un certain nombre de temps. Le fait que la course a été plus longue signifie que nous avons dû nous concentrer sur notre consommation de nourriture et ajuster notre était d’esprit de course pour le temps plus long.
Problème avec la génératrice et le courant, la plus grande voile Spinnaker qui brise, le bateau qui tombe sur le côté dans l’eau, vous avez frappé un objet flottant non identifié. Quand avez-vous eu le plus peur pendant la course?
Ryan : je ne dirais pas que nous n’avons jamais eu peur pendant la course et ce n’est pas pour paraître courageux mais… Lorsque vous passez votre vie sur l’eau, ceci, croyez-le ou non, devient des événements assez communs et, ce qui sépare les bons navigateurs aux excellents est de gérer ces problèmes d’une manière calme, régulière et dominatrice.
Melodie : il n’y a jamais eu un temps où nous nous inquiétions pour notre sécurité. Avec l’aide de résolutions de problèmes, c’était tous des défis qui pouvaient être gérés. En voile hauturière, vous êtes des fois à 1000 milles d’une aide. Vous devez donc apprendre à être débrouillard.
Au sujet de la génératrice et du courant, quel était le problème et comment l’avez-vous géré?
Ryan : le problème avec la génératrice en était un avec le câblage triphasé. Nous avions envoyé l’unité pour une vérification avant le début de la course afin de nous assurer qu’il fonctionnait et était le plus fiable que possible. Le problème était que le câble qui connecte au convertisseur (sur le bateau) et la génératrice en tant que tel (unité hydrolique) a court-circuité. Malgré que ça fonctionnait très bien pour les trois premières journées, l’unité a commencé à faire des bruits bizarres, combinés à une baisse sévère de l’apport aux batteries. Sachant que l’unité venait d’être inspectée et sachant que le câblage n’avait pas été remplacé pendant cette procédure, ça s’enlignait pour être la meilleure place à commencer pour régler le problème. Nous avons également contacté la compagnie pour des conseils sur comment la réparer et la procédure était relativement simple : c’était simplement de défaire l’unité, d’enlever les vieux câbles et de les remplacer par des nouveaux, puis de la refermer. Ça semblé faire l’affaire.
Un requin s’est même pris dans la quille. Aviez-vous peur de l’enlever?
Ryan : quand vous passez assez de temps en mer et que vous vous déplacez à la vitesse que nous allons, c’est inévitable que vous allez frapper quelque chose. Mais c’était une première pour nous, ça c’est certain, et nous ne l’oublierons pas de sitôt. Les chances que ça arrive sont tellement minces – pas de frapper quelque chose, mais que vous le frappez d’une manière que ça se coince si parfaitement autour de la quille et du joint de la coque que ce requin de 2 mètres et demi était littéralement entouré autour de notre quille. Nous avons dû baisser notre voile, ralentir et tenter de naviguer vers l’arrière pour l’enlever alors que nous avons cru que ce « n’était probablement pas une bonne idée de tenter de retirer le requin probablement très en colère à la main ». La surprise que j’ai eu initialement en sautant dans l’eau était assez.
Quel a été votre plus gros défi physique?
Ryan : le plus gros défi physique a été sans aucun doute les changements de voile à plusieurs, plusieurs reprises. Plusieurs de ceux-ci ont été fait à une personne afin de nous donner une chance d’avoir un sommeil ininterrompu. Mais même lorsque nous étions deux à travailler, c’est quand même une tâche assez intense au niveau énergétique et, après une couple de ces journées comme ça, vous pouvez sentir votre énergie s’épuiser.
Le vent semblait être présent et absent tout au long de la course. Vous sentiez-vous impuissants ou découragés des fois?
Ryan : le vent a définitivement été présent et absent tout au long de la course, spécialement au tout début au large de la côte de la France. Les dieux du vent n’étaient pas en notre faveur. Lors des premiers jours, on se sentait comme si la seule navigation que nous faisions était seulement d’essayer de faire bouger le bateau peu importe la direction où nous allions. Des fois, c’était en raison des courants que nous ne gagnions pas de la distance. C’est toujours décourageant lorsque vous regardez la carte et que vous pouvez vois le reste de la flotte prendre de la distance et que vous voyez vos instruments qui disent « vent 0.0 », « vitesse du bateau 1.0 » ou 1 nœud marin dans la mauvaise direction. Vous devez seulement être fort mentalement, vous souvenir que c’est une longue course et qu’il y a toujours le potentiel de revenir.
Melodie : il y avait définitivement des frustrations avec les trous de vent. Une fois, nous avons été pris dans l’un de ceux-ci et nous nous étions tellement donnés, nous et le bateau, la journée précédente. Nous avions gagné quatre places puis nous avons été pris dans un trou de vent pour une journée et demie. Les autres bateaux semblaient avoir eu le vent avant nous. Nous avons perdu tout le gain que nous avions fait. C’était décevant.
Quel a été votre plus gros défi mental?
Ryan : le plus gros défi mental était de rester positif à la fin de la course parce que ce n’est jamais terminé tant que ce n’est pas terminé et tout peut arriver. Vous devez alors tout donner jusqu’à la fin. Mais vous atteignez un point que, peu importe ce que vous faites, la distance ne peut être diminuée avec certains bateaux et les positions finales commencent à se concrétiser. En plus, avec le fait que nous avions brisé notre plus grosse voile, notre voile « trade winds », c’était très frustrant de travailler en route vers la ligne d’arrivée sachant que nous coursions à un niveau de 10-12 % moins bien qu’en situation optimale. La réalité d’une position moins qu’idéale devenait une réalité.
Qu’avez-vous appris de cette course?
Ryan : nous avons beaucoup appris de cette course, en ce qui concerne nous-même et les façons d’améliorer notre habileté de naviguer le bateau en tant qu’équipe à deux. Mais je pense que le plus évident, c’était le bateau, les trucs et les bizzareries au niveau des réglages du bateau ainsi que d’autres choses que « Jackzie » a besoin de plus de travail. Nous avons huit mois pour travailler sur le bateau et à continuer à nous entraîner afin que nous puissions être le plus prêt possible pour le début du Globe 40 en juin cette année.
Melodie: I appreciate all that we learned. On the third day of the race, despite having a couple of frustrating night watches and feeling poorly as I was coming down with the cold, I was already thinking about the next Transat Jacques Vabre race and looking forward to competing in it.
What will you do differently in your next race?
Ryan : j’apprécie tout ce que j’ai appris. Lors de la troisième journée de course, malgré avoir eu une couple de nuits de surveillance frustrantes et me sentant mal alors que je combattais un rhume, je pensais déjà à la prochaine course de la Transat Jacques Vabre et j’étais excitée à l’idée d’y compétitionner.
Qu’allez-vous faire de différent dans votre prochaine course?
Ryan : c’est simple, nous aurons le luxe de plus de temps pour préparer le bateau et nous entraîner en équipe. Ceci, ainsi que d’avoir les connaissances obtenues lors de cette dernière course pour nous ajuster et adapter le bateau aux problèmes qu’il avait. Toutes ces choses feront une différence astronomique dans notre performance.
Quel est votre pire souvenir de la course?
Ryan : le pire souvenir est d’avoir brisé la voile juste avant de se diriger vers l’Ouest et de traverser l’Atlantique sachant que nous venions probablement de perdre la meilleure chance de gagner du terrain.
Quel est votre meilleur souvenir?
Ryan : mon meilleur souvenir est de quitter Le Havre, de partir avec tous les partisans nous encourageant, en plus de la parade de tous les meilleurs navigateurs au monde s’élançant dans l’eau en même temps dans une flotte incluant les plus incroyables bateaux que la voile hauturière a à offrir. C’était très incroyable.
Melodie : l’événement en soi, spécialement que c’était en France, était vraiment incroyable. D’être entouré par tellement de navigateurs incroyables et d’avoir l’opportunité de les connaître était super. Avec tous les bateaux ensembles dans le bassin, un de mes temps favoris avant la course était de marcher sur les quais à côté des bateaux à la fin de la nuit. J’étais vraiment en admiration face aux bateaux, spécialement les IMOCA, et d’être capable de les apprécier sans les occupations de la journée était incroyable.
Les autres compétiteurs étaient amicaux et nous aidaient et c’était super d’apprendre à les connaître. Les bateaux étaient tous alignés à côté du quai et vous pouviez voir les bateaux se préparer, poser des questions, emprunter des pièces, etc… Il y avait un groupe WhatsApp très actif pour les compétiteurs de la CLASS40 et tout le monde s’entraidait afin de se préparer pour la course.