Sur le pont : Lynne Beal

La juge Lynne Beal de Toronto a participé à ses quatrièmes Jeux olympiques à Tokyo. La juge canadienne certifiée depuis 1988 était membre d’un jury international composé de 28 personnes aux Jeux olympiques de 2020. Discussion « Sur le pont » avec la juge canadienne.

Comment s’est passé Tokyo 2020?
Étrange! Le Japon demandait à toute la famille olympique d’avoir deux tests négatifs à la COVID-19 afin d’entrer au pays. Les officiels étaient confinés à notre hôtel ou au site de voile à Enoshima. Nous étions escortés au et du transport par autobus par du personnel de sécurité. Nous devions commander nos repas en soirée à l’hôtel d’Uber Eats. Nous devions tous faire des tests quotidiens à la COVID-19 ainsi que des rapports en ligne. Au site, les masques et la distanciation sociale étaient obligatoires. Certains conseillers aux règlements ont travaillé à distance.

Mais sur l’eau, ce n’était pas si différent des Jeux précédents. C’était chaud et il y avait de grands vents. L’hydratation était importante et les vestes rafraichissantes étaient de gros vendeurs pour les compétiteurs. Le niveau de conformité avec les protocoles de la COVID-19 était élevé. Le crédit va aux athlètes et aux officiels qui ont démontré leur respect pour les protocoles japonais de la COVID-19, et leur engagement afin que tout le monde reste en santé et concentré pour les Jeux. C’était très différent de Londres et de Rio. Mais le niveau d’enthousiasme, la convivialité et l’aide des bénévoles japonais était inégalé.

Quel était votre rôle à Tokyo?
J’étais un membre du jury international composé de 28 personnes. Chacun de nous était assigné à un rôle principal avec des responsabilités. Je menais le jury qui répondait aux questions des leaders d’équipe et des entraîneurs. J’ai également surveillé et gardé le jury à jour avec les révisions aux documents gouvernant l’événement. J’ai participé à des audiences, en tant que présidente, scribe ou membre du comité de cinq personnes. J’étais sur l’eau sur plusieurs parcours, pour juger les cinétiques et voir pour n’importe quel problème qui pourrait mener à une audience.

Vous étiez un membre du jury international à Londres 2012, Rio 2016 et Tokyo 2020. Quels ont été vos Jeux préférés?
Ma première expérience olympique a été à Atlanta en 1996 comme gestionnaire du bureau du jury. J’étais émerveillée et j’ai pris beaucoup de photos. En tant que membre du jury aux Jeux olympiques et paralympiques de 2012, je savais ce que seraient la sécurité, l’excitation et la pression. J’étais l’une des membres juniors du jury et j’ai appris des juges plus seniors. Je me sentais plus préparé et moins vulnérable aux distractions du spectacle. J’ai des photos de Londres. Aux Jeux olympiques de 2016 à Rio et en tant que vice-présidente du jury pour les Jeux paralympiques ainsi qu’à nouveau aux Jeux à Tokyo en 2021, j’étais encore plus préparée. Comme les athlètes allant à leurs deuxièmes ou troisièmes Jeux, à Tokyo, j’avais un plus haut niveau de maturité de compétition et une confiance à gérer la pression. À chacun de ces Jeux, j’ai énormément bénéficié de cette opportunité de travailler avec des collègues qui amenaient un haut niveau d’expérience, des habiletés, une maturité et un professionnalisme à notre travail. Chaque événement est un bon souvenir, même si j’ai moins de photos de Tokyo.

Lors de la 10e et dernière course avant celle des médailles à Tokyo, la meneuse en Laser Radial Anne-Marie Rindom du Danemark n’a pas terminé la course à la suite de confusion sur la ligne de départ. Pouvez-vous clarifier ce qui s’est passé?
Anne-Marie a expliqué son erreur alors qu’elle était incertain d’une pénalité relative au règlement. À sa défense, ce n’est pas un règlement que les athlètes sont souvent confrontés. Le jury lui a initialement donné une pénalité relative au règlement 42 pour pompage contre le vent, et elle a pris la pénalité des deux tours. Elle a ensuite pris une deuxième pénalité relative au règlement 42 au départ de la course numéro 10, et elle a pris la pénalité de se retirer de la course. Par la suite, un rappel général de la course a été signalé, et la pénalité a été annulée, mais conservé au compte. Mais elle n’était pas certaine quant à quoi faire et n’a pas eu le temps de parler à son entraîneur. Elle a ainsi décidé de se retirer de la course au lieu de rejoindre le nouveau départ par crainte de se voir accorder un DNE (disqualification qui n’est pas exclusable). Celui lui a donné 45 points lors de la course 10, pointage qu’elle a pu éliminer comme pire résultat. Même à ce haut niveau de compétition, les athlètes ne connaissent pas tous les règlements.

Y a-t-il de nouvelles tendances qui vaudraient la peine de partager avec les navigateurs canadiens et que vous avez vu à Tokyo?
Au cours des cycles olympiques, les règlements des Jeux sont devenus plus complexes. Les équipes ont continué à lever la barre et à devenir plus dépendant des experts en règlements ainsi que les entraîneurs pour les garder informés. La technologie a avancé et, ce n’est pas une surprise, les équipes avec plus de ressources financières ont inclus plus de technologie dans leur programme de support; tout, incluant des stations météorologiques qui enregistrent et transmettent les données afin de suivre les températures internes des athlètes. En revanche, World Sailing, tentant de maintenir des règles du jeu équitables pour les équipes ayant moins de ressources financières, a limité l’utilisation de technologie. Les négociations se poursuivront probablement avec l’objectif de permettre plus de technologie.

Comment les compétitions olympiques sont différentes des autres régates internationales?
Les yeux du monde entier sont fixés sur les Olympiques, avec plus de pression sur les athlètes et les officiels. C’est un rêve pour les athlètes, avec beaucoup de choses en jeu et une motivation pour obtenir le meilleur résultat possible et ce, avec tous les moyens possibles. D’avoir la confiance de World Sailing en tant qu’officiel pour agir au plus haut niveau du sport est un grand honneur qui vient avec une responsabilité élevée de présenter des services de qualité aux athlètes. Les questions et les situations relatives aux règlements sont plus complexes, avec des conséquences à haut risque. La communication instantanée des décisions mène à une critique immédiate si quelque chose ne va pas bien, ce qui est à éviter. Pour les officiels de course, c’est une opportunité unique de travailler avec certains des meilleurs officiels au monde. Et pour les problèmes émergents, les idées souvent émergent afin d’améliorer les règlements, faire avancer le sport.

Qu’est-ce qui vous a amené originalement à devenir un juge?
En tant que navigatrice de course, je voulais devenir plus compétente avec les règlements, afin de devenir une meilleure compétitrice. De siéger au sein du comité des protêts à mon club m’a amené à étudier les règlements et les cas, et à engager des discussions concernant les règlements avec des juges seniors. J’ai beaucoup plus aimé ces sessions que de faire la fête au bar. Alors que j’avais une plus profonde compréhension des complexités des règlements, je suis devenue plus intéressé à me concentrer pour devenir juge.

Pour quelqu’un qui voudrait, un jour, devenir juge aux Jeux olympiques, comment pourrait-il y arriver?
Le même conseil s’applique pour chaque sport d’un officiel de course : l’engagement à devenir un étudiant de ce sport. Puis, viser à faire le meilleur travail que vous pouvez, plutôt que de juger au plus haut niveau. Vous serez remarqué pour votre compétence et vous aurez des invitations pour juger à plusieurs événements. Voile Canada offre de l’entraînement pour les officiels de course dans chaque épreuve à partir du niveau débutant. L’expérience en classes olympiques est essentielle, donc plusieurs officiels de course recherchent à créer des relations de travail avec une classe olympique. Récemment, le Comité international olympique et World Sailing ont établi des buts pour une égalité des genres chez les officiels, ce qui donne de bonnes opportunités pour les femmes. Toutefois, le niveau de compétence requis ne change pas. Continuez de courser parce que cette expérience aide énormément.

Quel serait votre conseil pour un nouveau juge qui aimerait avancer à un niveau supérieur et devenir un officiel à des compétitions internationales?
Obtenez le plus d’expérience que possible au sein de comités de protêt, des événements locaux à nationaux. Atteignez un haut niveau de compétence avec les règlements de course et ceux spécifiques à une classe. Soyez un joueur d’équipe sur le comité de protêt et au sein du groupe multidisciplinaire des officiels de course. Établissez une relation de travail avec un juge plus senior en tant que mentor qui guidera votre développement. Reconnaissez vos domaines pour des développement futurs et apprenez de vos erreurs. Établissez des relations de travail avec des collègues qui vous supporteront en vous rendant meilleur. Et aidez-les à devenir meilleur également. Concentrez-vous à faire le meilleur travail que vous pouvez pour l’événement, plutôt que de créer la meilleure opportunité pour vous.